Peu avant mes huit ans, les médecins ont dû brutalement m'interdire de marcher. Un coup plutôt dur pour un gamin en pleine santé : plus de jeux de plein air, plus de ballade, plus d'école... J'ai donc quitté mon univers familier, mes copains et ma classe de primaire pour être placé dans un centre de réadaptation de l'enfance, pendant trois longues années, avant de reprendre le cours normal de ma vie.
Qu'il est rude à cet âge de s'éloigner de ses parents, de sa fratrie, de vivre allongé sur un « chariot » handicapé, de côtoyer jour et nuit des enfants malades, bien plus malades que soi : Poliomyélite, maladie des os de verre, handicap moteur...
Et pourtant, cette période de ma vie reste plutôt heureuse. J'ai vécu à cette époque, dans cet établissement, mes plus belles amitiés, les plus belles complicités. Les personnels soignants, les instituteurs et « monitrices », tous dévoués à leur tâche, nous faisaient évoluer dans une ambiance chaleureuse et bienveillante. Je me souviens régulièrement des bons moments passés en classe, à une douzaine d'élèves, groupés autour d'une maîtresse souriante, dynamique et attentive, avec nos tables amovibles adaptables sur nos « véhicules » si particuliers. Quel contraste avec les classes que j'ai connu ensuite...
Je n'aurais jamais souhaité être pris en charge par l'école des bien-portants, être regardé comme un bête curieuse, susciter la gène autour de moi, attirer la compassion réelle ou simulée, perturber par ma présence ou mes besoins spécifiques le fonctionnement normal de l'école publique.
Récemment, un candidat à l'élection présidentielle a pris position sur ce sujet, affirmant que l'école inclusive n'était pas toujours la solution et que l’État devait proposer à nouveau des places en centres spécialisés. Je veux en témoigner ici, cette position est des plus raisonnables et des plus humaines.
Des journaleux manipulateurs et fielleux ont immédiatement lancé une polémique à ce sujet, ainsi qu'un procès en inhumanité contre ce candidat. Ces gens-là sont de dangereux imbéciles et je les gratifie de mon mépris le plus profond.